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Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 2, 1909.djvu/313

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LOWELL. — LA MER DU SABLIER.

l’opposition de 1891 : 1o Les recherches polariscopiques que fit ici W.-H. Pickering, en 1894, ne montrent pas de polarisation de cette surface, tandis qu’elles montrent celle de la mer polaire australe qui, pour d’autres raisons, doit être considérée comme une étendue d’eau ; 2o Au fur et à mesure que la saison martienne avançait, des configurations claires et sombres apparurent dans la Grande Syrte et restèrent sans changer de position ; 3o Plus tard, toute la surface bleu vert diminua d’étendue sans produire d’aires sombres correspondantes en d’autres régions de la planète. Ces trois phénomènes sont incompatibles avec une surface d’eau, tandis que c’est justement ce qu’une surface de végétation produirait par sa croissance et décroissance à mesure que les saisons martiennes avanceraient.

J’ai l’intention dans cet article d’examiner en détail les changements qui se présentent dans la Grande Syrte selon les époques de l’année martienne. Ces changements sont toutefois si singuliers que leur examen, tout en confirmant l’hypothèse que la végétation est leur cause, introduit de nouvelles énigmes dans notre tentative d’expliquer ces aspects.

Eu premier lieu, l’apparition des configurations est une question de saisons. Comme tout lecteur intelligent demande non seulement des faits, mais sur quelle base fondamentale reposent ces faits, nous allons donner les raisons sur lesquelles nous nous appuyons. Nous allons donc prendre comme exemple les faits observés en 1894 et ensuite ceux de 1896.

Pendant la première partie de l’opposition, en juin 1894, lorsque les conditions d’observation étaient en général semblables à celles du mois d’août de cette année, la Grande Syrte présentait un aspect foncé d’un ton presque uniforme. Mais on y remarquait trois particularités dignes d’attention : la première était une teinte plus foncée à son extrémité nord ; la seconde était une bande étroite et sombre qui la réunissait à la mer polaire du Sud et passait entre Noachis et Hellas et ensuite parallèlement, quoique un peu plus loin de la frontière d’Aéria ; la troisième était une bande étroite semblable, la réunissant à la mer polaire entre Hellas et Ausonia. On était alors au mois de mai de l’hémisphère sud de Mars.

À mesure que la saison avança, il se produisit des changements dans l’aspect de la Grande Syrte. Elle perdit son ton uniforme et l’on distingua graduellement sur sa surface des parties claires et des lignes sombres. Avec le temps, ces configurations s’accentuèrent de plus en plus jusqu’à octobre et novembre (août de l’année martienne). La Grande Syrte offrait l’aspect d’un échiquier.

Un tel effet me paraît correspondre aux changements que la végétation subirait en passant du vert au jaune et à l’ocre à mesure que l’automne succéderait à l’été.

Or, en août 1896, la planète se présenta à la Terre dans les mêmes conditions à peu près qu’en juin 1894, avec cette différence importante, que l’année de la planète était plus avancée d’un mois et deux tiers. Remarquons à ce