Aller au contenu

Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5
avant-propos

Cruls, et d’autres amis trop élogieux : tout cela ne me rappelle que mieux mon imperceptible exiguité. Devant tous les efforts à faire pour connaître l’univers, ma vie tout entière est à peu près égale à zéro.

Vous insistez ? Eh bien, je vous promets de réunir mes souvenirs et de les présenter du mieux qu’il me sera possible. Vous me faites un honneur auquel j’aurais apparemment mauvaise grâce à me refuser. Croyez-vous au déterminisme ? Sans aucun doute. C’est la philosophie positive du vingtième siècle. Tout à l’heure, j’étais dans Mars, et j’espérais y rester longtemps. Vous arrivez, vous me ramenez sur la Terre. Nous ne faisons pas ce que nous voulons. Les événements nous conduisent. J’ai beau essayer de résister, vous me convainquez. Saint Augustin et Bossuet, Leibnitz et Kant, ont écrit des pages éloquentes sur le libre arbitre. L’année dernière encore, j’ai eu une longue discussion là-dessus avec Sully-Prudhomme. Un souffle éteint cette bougie.

Quoi qu’il en soit, vous pouvez compter sur moi.

J’ai donc entrepris la rédaction de ces souvenirs sur l’invitation trop amicalement persuasive de mes estimés collègues, et puisqu’un certain nombre de lecteurs de mes ouvrages ont également insisté pour les voir publiés en volumes comme complément de ces ouvrages, je le fais avec plaisir. C’est surtout pour eux qu’ils sont écrits.

Plus d’un jeune homme passe ou passera par des luttes intellectuelles analogues à celles que j’ai traversées, et trouvera ici les confidences d’un frère. Ces