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Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/19

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mémoires d’un astronome

quart, le dixième de ce que l’on voudrait faire.

On me donna comme second prénom celui de Nicolas, nom de mon grand-père. Le même fait était arrivé pour le chanoine Copernic, fils d’un boulanger polonais, ancêtre des astronomes modernes, nommé également Nicolas, du nom de son grand-père.

Il me semble que les affirmations des physiologistes relatives à l’hérédité intellectuelle ne sont pas justifiées, et, pour ma part, il m’est impossible d’y souscrire, étant la preuve vivante du contraire. Aussi loin que je puisse remonter dans mes souvenirs, je me vois étudiant, travaillant, cherchant, sans jamais avoir pu m’intéresser un seul instant à un but matériel. Apprendre, apprendre sans cesse, pour le seul plaisir de savoir, a toujours été la passion dominante de mon esprit. À quatre ans, je savais lire ; à quatre ans et demi, je savais écrire ; à cinq ans, j’apprenais la grammaire et l’arithmétique ; à six ans, j’étais l’élève le plus fort de ma classe. Il y avait deux classes à l’école communale : la petite, pour les enfants de quatre à neuf ans ; la grande, pour ceux de dix à quinze ans. À six ans, donc, j’étais le premier et je recevais une croix dont j’étais très fier.

À cette époque, on ne connaissait pour écrire que les plumes d’oie, arrachées aux ailes du volatile, et qu’il fallait tailler soi-même, à l’aide d’un excellent canif. Depuis, l’invention des plumes d’acier a fort simplifié les préliminaires de l’écriture, et les plumes d’oie ont à peu près disparu. Plusieurs écrivains y ont tenu fort longtemps : Victor Hugo, par exemple, a toujours, me semble-t-il, continué à s’en servir. L’instituteur, « Monsieur le Maître », comme on l’appelait, était un excellent homme, grand, de belle