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Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/20

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l’instituteur de montigny

prestance, avec un toupet pareil à celui de Louis-Philippe, très convaincu de ses hautes fonctions. Aidé d’un sous-maître, il dirigeait les classes avec soin et dignité. Au lutrin de l’église, c’était aussi un chantre parfait ; mais on sentait une certaine rivalité entre lui et le curé, car c’était à qui des deux dominerait le pays, et le curé l’emportait sûrement. Il était pourtant bon catholique pratiquant, et l’un de ses fils est devenu dominicain. Ce brave M. Crapelet avait pris ma petite personne en estime particulière et ne cessait de faire mon éloge. Il me resta très attaché jusqu’à la fin de ses jours, arrivée il n’y a pas fort longtemps, à un âge très avancé, et ne jurant, dès mon enfance, que par les quarante de l’Académie française, il n’a jamais compris mon refus perpétuel de me présenter en ce glorieux cénacle. Quand je lui répondais, il y a une vingtaine d’années, que, sans doute, des amis, appartenant à cette célèbre compagnie, Victor Duruy, Henri Martin, Charles Blanc, Ernest Legouvé, Henri de Bornier, Victorien Sardou,  etc., me l’avaient proposé, mais que je n’ai jamais éprouvé, en rien, le moindre mouvement d’ambition, qu’en réalité je n’avais pas le temps, que je ne pourrais jamais faire une seule visite, que je préférais travailler, il ne l’admettait qu’après plusieurs minutes de réflexion sur mes travaux perpétuels.

Dans l’article dont je parlais tout à l’heure, le juge de paix de Montigny raconte que le préfet de la Haute-Marne, inspectant l’école avec les principaux édiles, fut tout surpris de voir un petit gamin frisé lever la main à chacune des questions posées, pour y répondre instantanément. Je ne m’en souviens guère, car cela me paraissait tout naturel, mais je me souviens fort