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Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/23

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mémoires d’un astronome

tion n’est pas là. Pas de ressemblance entre nos âmes : voilà le fait.

J’ai eu l’occasion de m’entretenir dernièrement avec un père de famille qui à cinq enfants : trois garçons et deux filles. Il les observe avec le plus constant intérêt depuis leur naissance et a constaté qu’ils diffèrent tous, radicalement et complètement, les uns des autres, par leur caractère et par leurs aptitudes. Aucune similitude d’aucun genre. Il est absolument impossible d’expliquer ces différences par l’hérédité. Mêmes parents, mêmes ancêtres, même milieu, même éducation, et pourtant différence absolue de chaque âme. (Ce père de famille est l’un de mes beaux-frères. Je pourrais en citer cent autres).

Si l’hérédité intellectuelle ne me paraît pas du tout démontrée[1], il n’en est pas de même de l’hérédité physique, qui est incontestable. Des parents sains et robustes donnent un cerveau sain et bien constitué, et placent évidemment en d’excellentes conditions physiologiques. C’est encore là, me semble-t-il, le meilleur héritage : une bonne santé vaut mieux qu’une grande fortune.

Le lieu de ma naissance peut n’avoir pas été sans influence sur mes goûts. Ce lieu est privilégié au point de vue des vastes contemplations. Situé à 435 mètres d’altitude, aux limites du plateau de Langres, Montigny domine, au sein d’un air pur et vivi-

  1. Quelques exemples historiques entre mille : Marguerite de Bourgogne était petite-fille de Saint Louis ; le sage astronome Ulugh-Beg était petit-fils du monstre Tamerlan ; Képler était fils d’un aubergiste ; Shakespeare fils d’un boucher ; Laplace avait pour père un pauvre paysan ; etc… Démosthène était fils d’un forgeron, Virgile d’un boulanger, Horace d’un affranchi, Molière d’un tapissier.