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Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/29

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mémoires d’un astronome

enseignements de l’Église, et il serait difficile de trouver un rapport d’atavisme entre son esprit et le mien.

Mes parents tenaient à ce que je reçoive une solide instruction ; mais ils tenaient surtout à une éducation sévère. Le respect des parents, l’obéissance, le sentiment du devoir, l’honnêteté absolue dans les plus petites choses étaient des principes sans discussion possible. Les anciennes mœurs de la province se continuaient. Les enfants ne devaient pas manquer de souhaiter les fêtes, de réciter des compliments, d’écrire aux aïeux. Ces lettres de fêtes, ces devoirs envers les parents et les directeurs de la vie, je les ai toujours ponctuellement accomplis, jusqu’à vingt, trente ans et plus, et, en fait, jusqu’à la mort des anciens.

La maison était fort hospitalière et, de temps en temps, les personnages importants du pays étaient réunis autour de la table, bien garnie de mets savoureux préparés par ma mère, excellente et fine cuisinière, justement fière de ses talents. Après les repas, au lieu de ces toasts ennuyeux qui nous sont venus d’Angleterre, chacun devait chanter une chanson, et chacun s’en acquittait de son mieux. On nous envoyait coucher avant la fin.

Mon père était plutôt sceptique, en fait de religion, mais ma mère était absolument convaincue des enseignements de l’Église catholique et considérait les juifs, les protestants, les libres-penseurs, comme des païens. Il n’y avait rien pour elle qui put être supérieur à la dignité sacerdotale. Il était, d’ailleurs, de tradition, depuis l’époque du château, qu’un enfant de Montigny devait être prêtre, et de fait, il y eut toujours, dans le diocèse de Langres, un prêtre