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Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/49

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mémoires d’un astronome

blique n’étaient qu’une pâle image de la glorieuse effervescence populaire de 1792, qui avait voulu associer la nature à l’ère nouvelle de l’humanité.

Les jeudis, au temps de la fenaison, et quelquefois les autres jours après l’école, on allait dans les prés voir faire les foins. Les peupliers agitaient doucement leur tremblant feuillage, une atmosphère parfumée nous enveloppait, l’eau de la source était calme et limpide, on retournait les javelles, on faisait les bottes de foin, on les empilait sur la charrette, on les ramenait à la grange, tandis que le soleil se couchait dans un ciel d’or. La nature était belle, et la vie champêtre était douce dans la simplicité patriarcale.

Il y avait à Montigny un jeune et charmant médecin, le docteur Reverchon, né à Paris en 1825, qui venait souvent à la maison et, prenant plaisir à satisfaire ma curiosité toujours en éveil, m’emmenait avec lui dans son cabriolet visiter les pays d’alentour, où l’appelaient ses consultations. Avec lui, je visitai les sources de la Meuse, dont Walferdin, correspondant d’Arago, prenait la température avec des thermomètres de son invention ; les bains de Bourbonne, qui remontent aux Romains ; le vieux château de Clefmont, où l’on buvait encore du vin de la comète de 1811 ; les riches et fertiles campagnes du Bassigny ; les fermes des environs, habitées et cultivées presque toutes par des Flammarion. Le docteur avait un caractère fort enjoué, chantant agréablement la chansonnette comique. Il me semble que sa gaité naturelle l’a fort bien dirigé dans la vie, car aujourd’hui encore, il ne l’a pas perdue, et je lui envoie, dans son agreste retraite de Nogent, le souvenir d’heures