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Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/51

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mémoires d’un astronome

Je ne pourrais être ni militaire, ni duelliste, ni chirurgien, ni boucher. La vue du sang me fait horreur. En aucun genre la lutte ne me plaît ; la vie me paraît assez courte et assez intéressante en elle-même pour qu’on la passe tranquillement. Je n’appartiens pas à la catégorie des hommes qui recherchent le danger, et j’avouerai même que la plupart du temps je ne les admire pas. La superbe audace des spadassins modernes me fait également défaut, et non seulement je ne suis pas agressif, mais même, quoique j’aie toujours eu le courage de mes opinions, je ne les défends presque jamais dans aucune discussion, laissant ce soin à la plume, s’il y a lieu. Je ne crois guère, d’ailleurs, que les discussions convainquent jamais l’un ou l’autre des antagonistes. En général, chacun garde ses idées.

    grave. Une intervention radicale devenait impérieuse : il y avait menace de mort imminente.

    « Une seule indication me parut précise : la saignée.

    « Je vous dis ; Mon enfant, il faut que je te tire du sang avec ma lancette, ne t’effraie pas » ; et alors, vous me tendîtes sans hésiter votre petit bras, et le péril fut conjuré par révulsif intus et extra.

    « Vous avez montré un courage extraordinaire chez un si jeune malade.

    « Votre vieil ami,

    « Dr Reverchon. »

    J’avais sept ans, et je m’en souviens comme d’hier. Je me vois encore tournant une bobine dans la main et regardant mon sang couler. Ma mère paraissait très alarmée. Dans ma convalescence, une petite fille de mon âge vint me distraire avec des images découpées et coloriées par elle. Elle s’appelait Antoinette Chapitel, était d’une gentillesse charmante, et… j’en devins amoureux. Quelques années après, j’eus le premier grand chagrin de ma vie : cette gracieuse amie mourut à l’âge de dix ans.