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Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/61

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mémoires d’un astronome

parfaitement expliqués aujourd’hui et que les différentes époques géologiques qui se sont succédé sont déterminées par leurs terrains de sédiments superposés. Au temps où vivaient ces coquilles, ces crustacés, ces mollusques, ces poissons, la France était presque entièrement recouverte par la mer jurassique. Il n’y avait encore d’émergés que les terrains primaires et secondaires anciens, les quartz, les schistes, le silurien, le dévonien, le carbonifère et le triasique, c’est-à-dire les Pyrénées, les Alpes, les Cévennes, avec le massif central de l’Auvergne, la Bretagne, les Vosges, le Luxembourg. La mer couvrait de ses eaux les contrées où devaient fleurir plus tard Paris, Troyes, Chaumont, Langres, Dijon, Orléans, Tours, Bourges, Bordeaux, Toulouse, Avignon, Genève, Reims, Rouen, Dieppe, Boulogne, Douvres, Londres. C’était tout un autre monde que le nôtre. Le fond de la mer s’est ensuite soulevé lentement et a porté à plusieurs centaines de mètres de hauteur les restes des êtres qui y étaient restés et s’étaient fossilisés.

Ces événements préhistoriques se passaient il y a plusieurs millions d’années.

Je regardais ces fossiles avec un intérêt d’autant plus grand que je n’en avais pas encore l’explication, et je faisais une collection des plus beaux spécimens, surtout des rhynchonelles blanches, dures, polies, qui sont de véritables petits bijoux de marbre. Le frère de ma mère, mon oncle Charles, toujours sur la montagne, avec son fusil en bandoulière et sa carnassière gonflée, m’en apportait assez souvent, et mon grand-père aussi, en y mêlant un peu de tout, des pierres trouées, ou de formes bizarres, qui n’avaient rien de fossile.