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Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/7

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mémoires d’un astronome

Mémoires ne pourrait pas germer dans l’esprit d’un astronome. Vivant perpétuellement en face de l’Infini, mesurant chaque jour, chaque nuit, notre infériorité, appréciant notre néant, il nous serait impossible de supposer que nos pensées ou nos actions fussent susceptibles d’intéresser qui que ce soit. Que sommes-nous ? Rien. Moins que rien, car nous sentons notre misère et la désespérance de la vie, qui nous tire de l’éternité pour nous y replonger. Atome racontant son existence ! Une telle vanité paraît plutôt burlesque.

Mes bienveillants visiteurs arrêtèrent mes arguments.

— Ce globe de Mars, dirent-ils, en prenant en mains celui que j’avais sur ma table et sur lequel j’ai réuni l’ensemble des découvertes martiennes, est intéressant, sans aucun doute, mais la vie des savants qui contribuent à ces découvertes l’est plus encore, parce qu’elle nous montre le travail intellectuel dans sa plus belle activité. Nous sommes des hommes, et nous aimons nos frères. Toutes les sciences, tous les arts, toutes les industries, pourraient être racontés par la biographie de leurs inventeurs. Permettez-nous de vous rappeler que vous avez été, en 1867, le premier président du Cercle parisien de notre Ligue de l’Enseignement, de cette Ligue qui compte aujourd’hui sept cent mille adhérents ; de vous rappeler aussi que vous avez fondé, en 1887, la Société Astronomique de France, dont vous avez été le premier président, où vous avez eu pour successeurs les plus illustres astronomes de l’Institut, et qui a réuni dans son sein les savants du monde entier ; que vous avez fondé l’Observatoire de Juvisy dont les travaux sont si estimés ; que vous avez là une station de