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Page:Flat - Essais sur Balzac, 1893.djvu/30

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chapitre premier.

traints d’en tenir compte, puisqu’il régit les rapports sociaux, dans celui de la spéculation ce mot n’a plus de signification. Douloureuse et inquiétante anomalie que la société repose sur des principes dont la fausseté est aujourd’hui établie ; problème dont la solution paraît hors de notre portée ! Balzac ne recule point devant cette vérité qui domine toute la psychologie, dont il avait déjà magnifiquement fourni la démonstration à l’époque où il la formulait ; presque tous ses types de vie intense et passionnée donnent l’impression de forces en mouvement, obéissant en aveugles à une destinée supérieure qui n’est que l’enchaînement successif des phénomènes mentaux, et se traduisant aussi rigoureusement par la santé ou par la maladie que les phénomènes de la vie physique dont ils sont les corollaires. Il n’existe peut-être dans l’histoire des littératures qu’un artiste qui puisse à ce point de vue être rapproché de Balzac : c’est Shakespeare ; lui aussi nous communique dans ses créations dramatiques excessives l’impression d’écrasement sous la main de fer de la fatalité.

De même que dans les espèces sociales Balzac ne relève ni vertus ni vices, mais simplement des instincts et des aptitudes, de même aussi il ne distingue dans le roman ni types moraux, ni types immoraux. Si le mot avait existé à son époque, il se serait rangé lui-même comme artiste dans la catégorie des amoraux. Durant toute son existence d’écrivain, il eut à subir les furieux assauts de la critique et les accusations d’immoralité qui tombaient sur son œuvre