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Page:Flat - Essais sur Balzac, 1893.djvu/31

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la préface de la « comédie humaine » .

avec une âpreté d’autant plus vive qu’il s’était donné comme tâche de peindre la vie dans son infinie complexité, qu’en conséquence les déformations morales ne pouvaient manquer d’y fourmiller. Il s’en vengea comme l’on sait, de la bonne manière, en fixant dans un immortel roman de satire les ridicules et les bassesses de ce monde du journalisme qu’il avait su percer à jour : « Quand on veut tuer quelqu’un, on le taxe d’immoralité. Cette manœuvre familière aux partis est la honte de tous ceux qui l’emploient. » — Vous sentez dans cette phrase comme un ressouvenir des blessures cuisantes que les attaques de la presse lui avaient fait endurer. La préface de la Comédie humaine reprend cette question vieille comme le monde, mais on peut s’étonner de ne pas l’y voir traitée avec l’ampleur qu’elle comporte. L’occasion était belle pourtant de montrer qu’une conception de la vie analogue à celle qui hantait son cerveau, impliquait la création de personnages de vie violente et passionnée : il ne s’arrêta pas à cette idée et préféra se livrer à la besogne légèrement puérile de réunir, pour les opposer aux autres, les figures irréprochables imaginées par lui. C’était là tourner court et ne pas accepter la discussion sur le terrain où il l’avait lui-même placée.

La sûreté des vues de Balzac sur les phénomènes de la vie nous est apparue vraiment géniale et digne de ce grand esprit ; il semble qu’elle l’ait abandonné sur un autre point capital, qui se rattachait pourtant à la loi d’évolution pressentie. Balzac, on le