Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 1.djvu/162

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rassé. Pour peu que je continue, tu ne trouverais plus en moi qu’un résidu de Gustave. Il m’arrive de passer une journée sans avoir pensé au Garçon, sans avoir gueulé tout seul dans ma chambre pour me divertir, comme ça m’arrive tous les jours dans mon état normal. Du reste, ma santé est toujours excellente.

Samedi prochain on me donnera jour définitif pour passer mon examen. Je vous l’écrirai aussitôt et vous saurez ainsi la date certaine de mon arrivée. Je grille, ma bonne Caroline, je grille, comme toi il y a deux mois, et, je crois, encore plus.

J’aurais voulu être avec toi sur le « passager » pour voir les balles des Rouennais. Tu as dû observer bien des bêtises. As-tu ri quand tu as vu le cap de la mère Lambert sur le quai ? Avait-elle toujours des fourrures ? Mais ta vanité a dû être satisfaite en te baignant au Havre. Je suis sûr que tu nageais de la manière la plus poissonnière et que tu as fait pâlir tes rivales. Pour moi, je ne vais plus aux écoles de natation ; on y fait trop de tapage, on y pue trop et surtout ça coûte cher : un bain vous revient à près de 40 sols. Et juge si, par cette chaleur, c’est une privation pour moi.

Je vais t’apprendre quelque chose d’assez risible : le père Tardif a demandé la croix (papa était bien informé). On la lui a refusée, il est indigné. De plus, pour montrer son attachement pour le gouvernement, il fait le deuil du duc d’Orléans, ainsi que Mme Tardif qui est toute en noir. Le père Guetier[1] a-t-il poussé aussi loin

  1. Maire de Trouville, contribua avec dévouement à l’évasion de Louis-Philippe en 1848.