devenais vieux demain, qui me ferait regretter la vie.
Merci de l’envoi de la lettre du Philosophe[1]. J’ai compris le sens de cet envoi. C’est encore un hommage que tu me rends, un sacrifice que tu voudrais me faire. C’est me dire : « Encore un que je mets à tes pieds : vois comme je n’en veux pas, car c’est toi que j’aime. » Tu me donnes tout, pauvre ange, ta gloire, ta poésie, ton cœur, ton corps, l’amour des gens qui te convoitent ; tu me prodigues tes richesses pour ma satisfaction et pour mon orgueil. Eh bien, sois contente : je suis heureux et je suis fier de toi. Oui, heureux, je le répète ; tu m’apparais toujours dans ma pensée avec une douceur exquise.
Ton cœur est comme ta peau, d’une suavité chaude, étonnante.
Mon frère a vu tantôt ton portrait. Il t’a reconnue, dit-il, pour avoir dansé avec toi chez Phidias, il a dix ans. Il m’a dit que tu étais jolie ; j’ai répondu : « Oui… pas mal », car j’avais envie de crier ce qui se passait dans ma poitrine. Je souffrais de son air froid.
Adieu. C’est ta fête ; je t’envoie pour bouquet le meilleur de mes baisers.
Reçois ton monde, sois pour lui bonne et aimable comme tu l’es. Reprends ta vie, travaille. Du courage ; avec quelque effort, l’habitude, puis le goût t’en reviendra. Fais cela pour moi, je t’en prie ; ne te laisse pas aller au courant de ta tristesse. Le chagrin a des allèchements perfides.
- ↑ Le Philosophe, et ailleurs Platon, désignent Victor Cousin