Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 1.djvu/393

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
345
DE GUSTAVE FLAUBERT.

brûle, voilà la saison des longues heures renfermées. Vont venir les soirées silencieuses passées à la lueur de la lampe, à regarder le bois brûler et à entendre le vent souffler. Adieu les larges clairs de lune sur les gazons verts et les nuits bleues toutes mouchetées d’étoiles.

Adieu ma toute chérie ; je t’embrasse de toute mon âme.

J’ai appris hier le mariage de mon ami Cloquet. Il épouse une jeune Anglaise qui a plusieurs « H » à son nom. J’en ai eu pitié, de cette pauvre fille, quoique je ne la connaisse pas. Il y avait autrefois en médecine un remède que l’on employait pour les rois en décrépitude : ils prenaient des bains de sang d’enfant. Beaucoup d’hommes encore, pour se rajeunir, s’immolent quelque cœur vierge, afin de récréer leur vieillesse et de réchauffer leurs membres froids. Et on appelle ces gens là des âmes tendres, qui ne peuvent pas se passer d’affection.


150. À LA MÊME.
Mercredi soir, 9 h. [30 septembre 1846.]

Franchement ! parle-moi franchement ! C’est là ton mot, et tu veux en même temps que je te ménage, dis-tu. Tu m’accuses d’être brutal et tu fais tout ce que tu peux pour me le rendre encore davantage. C’est une chose étrange et curieuse à la fois, pour un homme de bon sens, l’art que les femmes déploient pour vous forcer à les tromper ; elles vous rendent hypocrites malgré