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DE GUSTAVE FLAUBERT.

lettre. Le bateau de Beyrout à Alexandrie a eu trois jours de retard dans un voyage de trente-six heures, à cause des vents d’ouest. Tu vois que mille causes peuvent retarder l’arrivée des lettres.

Aujourd’hui nous avons fait emplette de tarbouchs (petits bonnets rouges à glands de soie) et nous portons déjà la coiffure égyptienne, en attendant le reste de l’accoutrement, que nous prendrons au Caire.

Ce matin, nous avons déjeuné chez M. Gallis, l’ingénieur en chef, avec notre ami Soliman-Pacha, et ce soir nous allons à l’Opéra. Tu vois que jusqu’à présent notre existence n’est pas bien rude, quoique nous ayons traversé le désert.

Il est six heures, nous allons dîner. Ce soir ou demain matin je reprendrai ma lettre et te raconterai notre petite expédition de Rosette.

Vendredi matin [23 novembre 1849].

Nous sommes partis à la pointe du jour dimanche dernier, sellés, bottés, enharnachés, armés, avec quatre hommes qui nous suivaient à pied en courant, notre drogman monté sur son mulet chargé de nos manteaux et de nos provisions, et nos trois chevaux qui se conduisaient à l’aide d’un simple licol. Ils avaient l’air de rosses et étaient au contraire d’excellentes bêtes. Avec deux coups d’éperon on les enlevait au galop, et en sifflant ils s’arrêtaient tout court ; pour les faire aller à droite ou à gauche, il suffisait d’appuyer sur leur cou.

Dès les portes d’Alexandrie, le désert com-