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DE GUSTAVE FLAUBERT.

que quand on la cherche ; quant aux maladies on les gagne par imprudence. Que dis-tu d’un brave Anglais (le fait nous a été rapporté par le comte de Neuville qui a voyagé avec lui en Syrie) qui, tout le temps qu’il était en Syrie, faisait quatre repas, mangeait du roastbeef et buvait du vin ! On avait beau lui soutenir qu’il allait se tuer, notre homme n’en démordait pas. Quand la fièvre l’empoigna, il ajouta du rhum à son thé et s’imagina de prendre alors des bains froids pour se calmer le sang. Aussi s’est-il fait claquer comme un pétard à Jérusalem, soutenant jusqu’au dernier moment que le climat était meurtrier et son régime bon. Sois donc sans crainte aucune, pauvre vieille, nous allons bien tous et irons bien jusqu’au bout.

C’est au Caire que l’Orient commence. Alexandrie est trop mélangée d’Européens pour que la couleur locale y soit bien pure. Ici on rencontre moins de chapeaux. Nous courons les bazars, les caouehs (cafés), les baladins, les mosquées. Il y a des farceurs d’un grand mérite et qui font des plaisanteries d’un goût plus que léger. Le bazar des esclaves a eu nos premières visites. Il faut voir là le mépris qu’on a pour la chair humaine. Le socialisme n’est pas près de régner en Égypte. Je me fonds en admiration devant les chameaux qui traversent les rues et se couchent dans les bazars entre les boutiques.


239. À SA MÈRE.
Mardi soir, 4 décembre [1849].

Bonne journée aujourd’hui, chère mère ; j’ai reçu quatre lettres de toi. Tout ce bon bagage à