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DE GUSTAVE FLAUBERT.

vous semble en même temps que tous les grands sacrifices (j’entends ce à quoi on tient le plus, la vie, l’argent) ne vous coûteraient rien, et que les petits vous coûtent : OUI.

Ah quand je t’ai vue, pauvre amie, t’embarquer, si jolie dans cet Océan (rappelle-toi mes premières lettres), ne t’ai-je pas crié : « Non, reste, reste au rivage, dusses-tu y vivre toujours pauvre ! »…

Maintenant, ôte de ton esprit les suppositions qui y sont relativement aux influences étrangères que tu crois agir sur moi, ma mère, Phidias, Max. Il n’en est rien, pas plus Max que les autres. Je ne sache jusqu’à présent que personne m’ait fait faire quelque chose en bien ou en mal, ou donné même une opinion. Je ne me raidis contre rien, mais cela se trouve ainsi, tout naturellement, sans que je sache comment.

Quant à tes dissensions avec Max, il faut songer que, dans tout cela, il venait chez toi pour servir tes intérêts et non les siens. Il a pu être blessé (vu qu’il se blesse fort aisément, en quoi nous différons, tu vois, malgré le pacte qui nous lie, comme tu dis) de plusieurs choses véhémentes que tu lui as écrites, ou même fatigué d’être si souvent employé à cause de moi. Le rôle de confident, s’il est honorable, n’est pas toujours amusant, ni le calomnié du reste. Il t’était tout dévoué, le pauvre garçon. À l’occasion il le serait encore.

Un mot. Tu reviens sur nos dissemblances d’intelligence, sur Néron, etc. (Néron !) N’en parlons plus, ce sera plus sage. Ces explications-là, outre qu’elles me sont difficiles à produire me font un mal affreux. Oui, un mal inouï, car elles