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DE GUSTAVE FLAUBERT.

reste. L’âme a beau faire, elle ne brise pas sa solitude, elle marche avec lui. On se sent fourmi dans un désert et perdu, perdu. À propos de quoi donc tout cela ? Ah ! à propos du portrait de madame Hugo. C’est bien drôle, n’est-ce pas ? J’ai été une fois chez elle, en 1845, en revenant de Besançon, où la marraine d’Hugo m’avait fait voir la chambre où il est né. Cette vieille dame m’avait chargé d’aller porter de ses nouvelles à la famille Hugo. Madame m’a reçu médiocrement. Le grand Hippolyte Lucas est arrivé, et je me suis retiré au bout de six minutes que j’étais assis.

Bouilhet va se mettre à son drame[1]. Au mois d’octobre, il ira habiter Paris. Lui parti, je serai seul ; là commencera ma vieillesse. Tout ce que je connais de la capitale ne me donne pas envie d’y vivre. Paris m’ennuie ; on y bavarde trop pour moi. La tentative de séjour que j’y ferai, les quelques mois que j’y passerai pendant deux ou trois hivers m’en détourneront peut-être pour toujours. Je reviendrai dans mon trou et j’y mourrai, sans sortir, moi qui me serai tant promené en idée. Ah, je voudrais bien aller aux Indes et au Japon ! Quand la possibilité m’en viendra, je n’aurai peut-être ni argent ni santé. Physiquement d’ailleurs je me recoquille (sic) de plus en plus. La vue de ma bûche qui brûle me fait autant de plaisir qu’un paysage. J’ai toujours vécu sans distractions ; il m’en faudrait de grandes. Je suis né avec un tas de vices qui n’ont jamais mis le nez à la fenêtre. J’aime le vin ; je ne bois pas. Je suis joueur et je n’ai jamais touché une carte. La débauche me plaît

  1. Madame de Montarcy.