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CORRESPONDANCE

moi, qui n’ai aucun titre, je ne puis vous accompagner. Quant à tout le reste, j’adhère à tes plans. Pour en finir des affaires du monde, mon dernier avis relativement à B[ouilhet] : ne fais pas lire de ses vers devant un public nombreux. Il t’en supplie et moi aussi. Tu comprends que ce garçon finirait par avoir l’air de sortir de dessous ton cotillon. Dans le commencement c’était bon ; mais maintenant qu’il a déjà publié plusieurs fois, ça le restreint. Quand les intimes resteront, à la bonne heure !

Quel imbécile que ce Buloz ! Quelle brute ! quelle brute ! Tout cela vous donne des envies de crever. Je comprends depuis un an cette vieille croyance en la fin du monde que l’on avait au moyen âge, lors des époques sombres. Où se tourner pour trouver quelque chose de propre ? De quelque côté qu’on pose les pieds on marche sur la merde. Nous allons encore descendre longtemps dans cette latrine. On deviendra si bête d’ici à quelques années que, dans vingt ans, je suppose, les bourgeois du temps de Louis-Philippe sembleront élégants et talons rouges. On vantera la liberté, l’art et les manières de cette époque, car ils réhabiliteront l’immonde à force de le dépasser. Quand on est harassé de soucis, quand on se sent dans la tête la vieillesse de toutes les formes connues, quand enfin on se pèse à soi-même, si de mettre la tête à la fenêtre au moins vous rafraîchissait ! Mais non, rien du dehors ne vous rassérène. Au contraire, au contraire !

Mes lectures de Rabelais se mêlent à ma bile sociale, et il s’en forme un besoin de flux auquel je ne donne aucun cours et qui me gêne même, puisque ma Bovary est tirée au cordeau, lacée,