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Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 3.djvu/167

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DE GUSTAVE FLAUBERT.

exprimé l’opinion de Pagnerre là-dessus, j’avais pensé comme lui.

Bouilhet a beaucoup vanté la Paysanne à M[axime]. Peut-être est-ce un tour pour que tu la leur donnes ? Mais cette supposition est bien cherchée. M. a-t-il une si grande influence sur J. ? Quels foutus drôles que tous ces gens-là ! Il paraît que les quais sont chargés de numéros de la Revue de Paris non coupés et que l’on vend au rabais.

Tu as raison ; ne donne rien dans cette boutique. Mais puisque tu es bien avec Jourdan et Pelletan, pourquoi ne prendraient-ils pas la Paysanne pour la mettre en feuilleton ? Au reste, à l’heure qu’il est, tu dois avoir conclu avec Perrotin.

Non, pauvre muse, nous n’avons rien pu du côté du préfet. La seule voie que nous ayons vue, nous l’avons tentée et le résultat tu le connais. Mon frère n’est nullement en relation avec lui. Il ne va pas même à ses soirées (où tout le monde va). Quant à connaître quelqu’un au Havre, j’ai beau me retourner. Néant. Figure-toi, du reste, que je connais bien peu de monde, ayant, depuis 15 ans, fait tout ce que j’ai pu pour laisser tomber dans l’eau toute espèce de relation avec mes compatriotes, et j’ai réussi. Beaucoup de Rouennais ignorent parfaitement mon existence. J’ai si bien suivi la maxime d’Épictète « Cache ta vie » que c’est comme si j’étais enterré. La seule chance que j’aie de me faire reconnaître ce sera quand Bovary sera publiée ; et mes compatriotes rugiront, car la couleur normande du livre sera si vraie qu’elle les scandalisera.

J’attends le résultat du concours avec bien de l’impatience.