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CORRESPONDANCE

que rien y ressemble). Cette fois-ci je m’arrangerais pour avoir le prix en m’y prenant (politiquement) mieux, et qui est-ce qui aurait un pied de nez ? Ce serait assez coquet de souffleter deux fois ces messieurs avec la même idée, une fois devant le public et par le public, et la seconde par eux-mêmes. Tu verrais quelle politesse on aurait pour toi après, et les amabilités, les traits d’esprit de M. le rapporteur ! Si tu t’en rapportes à moi complètement, je crois que nous y pouvons arriver.

Qu’est-ce que ça fout, tout cela ? Il n’y a de défaites que celles que l’on a tout seul devant sa glace, dans sa conscience. J’aurais eu mardi et mercredi cent mille sifflets aux oreilles que je n’aurais pas été plus abattu. Il ne faut penser qu’aux triomphes que l’on se décerne, être soi-même son public, son critique, sa propre récompense.

Le seul moyen de vivre en paix, c’est de se placer tout d’un bond au-dessus de l’humanité entière et de n’avoir avec elle rien de commun, qu’un rapport d’œil. Cela scandaliserait les Pelletan, les Lamartine et toute la race stérile et sèche (inactive dans le bien comme dans l’idéal) des humanitaires, républicains, etc. Tant pis ! Qu’ils commencent par payer leurs dettes avant de prêcher la charité, par être seulement honnêtes avant de vouloir être vertueux. La fraternité est une des plus belles inventions de l’hypocrisie sociale. On crie contre les jésuites. Ô candeur ! nous en sommes tous !

Enfin, si cette défaite du concours te gêne comme argent, tu sais que j’ai encore un petit magot de 500 francs. Ils sont à ta disposition