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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Nos communications d’effluves ont été en défaut. Ou bien étais-tu peut-être très calme (car ta lettre de ce matin est stoïque, chère sauvage) et m’envoyais-tu ta sérénité ? ou est-ce moi qui t’ai envoyé la mienne ? Villemain a fait là dedans une bonne figure ! Allons, en voilà encore un que j’avais toujours bien jugé. Quand il reviendra, et je le souhaite, tu n’as qu’une chose à faire, c’est de le remercier avec effusion de ce qu’il a fait pour toi. Il n’y a pas de pire vengeance que ces politesses-là. Elles sont hautes comme orgueil et fortes comme esprit. S’il veut faire des excuses, donner des explications, c’est de l’arrêter court, du premier mot, avant de l’entendre, et de lui dire : « Causons d’autre chose ». Voilà tout. Et ce Musset aussi, qui ne dit rien ! Tous ! tous ! Enfin, mes vieilles haines sont donc justes. Mais j’aurais voulu que le ciel, cette fois, ne me donnât pas si bien raison. Tu vois que je n’avais pas mal deviné quand je te disais qu’on ne te tiendrait pas compte de tant de détails archéologiques et qu’il y en avait trop (à leur goût). Pas un des académiciens (si ce n’est peut-être Mérimée) n’en savait autant que ton Acropole en dit, et on garde toujours une petite rancune à qui nous instruit, rappelle-toi cela, surtout quand on a la prétention d’instruire les autres. Moi, à ta place, je lèverais le masque (le jour de la distribution des prix) et je publierais mon Acropole retouchée, puisqu’on n’en a lu que des fragments ; ce serait une bonne farce. Mais par exemple je ne laisserais pas un vers qui ne fût bon, et l’année prochaine, au mois de janvier, je renverrais une autre Acropole (il y a manière de refaire le sujet tout à l’inverse et sans