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DE GUSTAVE FLAUBERT.

les vers bons restent à l’Académie et que tu puisses toujours, par la suite, t’en prévaloir. Comprends-tu ?

Tu m’écris à ce sujet de grandes vérités. N’importe, continuons tête baissée. Fais ce que dois, advienne que pourra ! Qu’il me tarde de lire la Servante ! Quand penses-tu que je l’aie ?

J’ai corrigé tous tes contes. Il n’y en a qu’un auquel je n’ai pas touché, et qui ne me semble pas retouchable, c’est Richesse oblige. Franchement, il est détestable de fond et de forme, et le pis c’est qu’il est très ennuyeux. Mille choses y blessent la délicatesse. Je crois que le meilleur avis est de l’enterrer.

Tu as publié dans Folles et Saintes deux choses très amusantes : 1o  l’histoire de ton avocat Démosthène ; 2o  la provinciale à Paris. Tâche d’en tirer parti, plutôt que de donner une œuvre compromettante, et je juge cette nouvelle comme telle. Les autres, au moins, ne sont pas atroces d’intention. Mais cette vision angélique, amenant à des visites dans la rue Saint-Denis !…

Il y a, du reste, une supériorité inouïe des vers sur la prose. Garde le vers, polis-le, perfectionne-le. Bouilhet m’a envoyé le commencement de son Mastodonte[1]. C’est bien beau.

Il est matin, je suis à peine éveillé, je dors encore. Je voulais t’écrire une bonne lettre d’encouragement, mais, franchement, les mots me manquent. Mon cœur seul a les yeux ouverts, le cerveau pas encore.

Je t’enverrai demain ou après-demain le paquet.

  1. Voir Les Fossiles.