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Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 3.djvu/358

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CORRESPONDANCE

petites et partent du plus bas de l’imagination. Il faut se faire des harems dans la tête, des palais avec du style, et draper son âme dans la pourpre des grandes périodes. Ah ! si j’étais riche, quelles rentes je ferais à toi, à Bouilhet, à Leconte et à ce bon père Babinet ! Ce serait beau, une vie piétée et fort aérée, dans une grande demeure pleine de marbres et de tableaux, avec des paons sur des pelouses, des cygnes dans des bassins, une serre chaude et un suprême cuisinier, à cinq ou six, là, ou trois ou quatre même. Quelle bénédiction ! Elle est charmante, la lettre du père Babinet. J’en raffole, j’adore ce bonhomme. C’est fouillu, touffu, nourri. Il y a là plus de naïveté, d’esprit et de lecture que dans vingt journaux en dix ans. Et je ne parle pas du cœur qui y palpite à chaque ligne. Viendra-t-il me voir ? J’en suis anxieux ; j’aurai grand plaisir à le recevoir. Quant à Leconte, je n’ai rien à lui dire, si ce n’est que je l’aime beaucoup. Il le sait ; tout ce que je pourrais lui écrire, il le pense. Je partage son indignation contre ce misérable Planche. Je garde à ce drôle une vieille rancune qui date de 1837, à propos d’un article contre Hugo. Il y a des choses qui vous blessent si profondément aux plus purs endroits de l’âme que la cicatrice est éternelle, et il est certain que je verrais le gars Planche crever sous mes yeux avec une certaine satisfaction. Qu’il ne le ménage pas ! C’est un homme qui passera partout et qu’il faut faire passer partout. La générosité à l’encontre des gredins est presque une indélicatesse à l’encontre du bien. Dans le refus de son article à l’Athenæum et dans la malveillance de la Revue à son endroit, il y a du Du Camp. Quant à