Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 3.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
376
CORRESPONDANCE

liers, avec tout leur fumier et leurs paillassons, crèvent alignés sur un mur et en plein soleil. Enfin, aime-le bien, voilà tout ce que je peux t’en dire, et ne doute jamais de lui.

Sais-tu de quoi j’ai causé hier toute la soirée avec ma mère ? De toi. Je lui ai dit beaucoup de choses qu’elle ne savait pas, ou du moins qu’elle devinait à demi. Elle t’apprécie, et je suis sûr que cet hiver elle te verra avec plaisir. Cette question est donc vidée.

La Bovary remarche. Bouilhet a été content dimanche. Mais il était dans un tel état d’esprit, et si disposé au tendre (pas à mon endroit cependant) qu’il l’a peut-être jugée trop bien. J’attends une seconde lecture pour être convaincu que je suis dans le bon chemin. Je ne dois pas en être loin, cependant. Ces comices me demanderont bien encore six belles semaines (un bon mois après mon retour de Paris). Mais je n’ai plus guère que des difficultés d’exécution. Puis il faudra récrire le tout, car c’est un peu gâché comme style. Plusieurs passages auront besoin d’être reécrits, et d’autres désécrits. Ainsi, j’aurai été depuis le mois de juillet jusqu’à la fin de novembre à écrire une scène ! Et si elle m’amusait encore ! Mais ce livre, quelque bien réussi qu’il puisse être, ne me plaira jamais. Maintenant que je le comprends bien dans tout son ensemble, il me dégoûte. Tant pis, ç’aura été une bonne école. J’aurai appris à faire du dialogue et du portrait. J’en écrirai d’autres ! Le plaisir de la critique a bien aussi son charme et, si un défaut que l’on découvre dans son œuvre vous fait concevoir une beauté supérieure, cette conception seule n’est-