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CORRESPONDANCE

à perdre de vue le but même de ce qu’on écrit ! Et puis les transitions, le suivi, quel empêtrement !

Tâche d’avoir ce que tu auras fait de la Servante recopié nettement afin que je puisse le lire. Bouilhet a eu du mal à suivre ta lecture, et c’est le lendemain, en chemin de fer, que tout lui est revenu. C’est classé.

À propos de copie, il me semble que tu en uses lestement avec Leconte. Je ne sais comment les choses se sont passées, mais je trouve cela cavalier envers un homme de pareille valeur.

Tu dis, chère Louise, que mes lettres sont pour toi une toile de Pénélope, je t’assure aussi que les tiennes à ce propos me causent parfois de grands étonnements. Je te vois un jour fort contente de moi ; puis, le lendemain, c’est autre chose. Mais il me semble que je suis toujours le même. Ces différences que tu trouves dans mes lettres ne viennent que des dispositions différentes dans lesquelles tu les lis. L’une te dilate le cœur, l’autre te l’assombrit, de sorte que souvent je suis tout surpris de ta joie ou de ta tristesse. Je ne varie pas cependant à ton endroit et mon affection pour toi est toujours à Fixe.

Je vais aujourd’hui à Rouen, dîner avec Bouilhet. Nous avions l’habitude de dîner ainsi tous les ans, à la foire Saint-Romain. Aujourd’hui c’est la dernière fois. Dîner d’adieu et de ressouvenir.

J’aurais bien voulu t’écrire plus longuement ces jours passés, mais je me hâte de donner une figure à mes comices avant le départ de Bouilhet, et j’ai tant à faire encore d’ici à huit jours ! Enfin,