Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 3.djvu/430

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
424
CORRESPONDANCE

mêmes personnages, dans le même milieu, à se battre les flancs toujours pour la même illusion.

J’ai lu, relu (et je les ai là sous les yeux) tes deux dernières pièces de vers sur lesquelles il y a beaucoup à dire. Les bons vers abondent mais, encore une fois, je ne t’en sais aucun gré. Les bons vers ne font pas les bonnes pièces. Ce qui fait l’excellence d’une œuvre, c’est sa conception, son intensité et, en vers surtout, qui est l’instrument précis par excellence, il faut que la pensée soit tassée sur elle-même. Or je trouve la pièce À ma fille[1], lâche de sentiment (c’est là ce que toutes les mères eussent dit et à peu près de la même manière, poésie à part, bien entendu). Commençons :

La première strophe, sauf le premier vers, me semble très bonne, surtout le dernier vers qui est excellent. Mais remarque que de répétitions dans les cinq strophes qui suivent. C’est toujours sur ou sous. La pensée est divisée en petites phrases pareilles et c’est sans cesse la même tournure de style.

La deuxième strophe, du reste, me plaît assez, quoique moins bonne que l’autre.

Tes cheveux dorés caressent ton front


caressent, expression consacrée.

Sur ta joue il luit


désagréable à l’oreille. Les deux vers qui suivent, charmants, mais il eût fallu les mieux amener par

  1. Voir, à l’Appendice, quelques-uns des vers signalés par Flaubert.