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CORRESPONDANCE

ou le commencement de l’autre. Je suis si long à me remettre à la besogne, après chaque temps d’arrêt, que je veux m’être taillé un peu de besogne pour mon retour et ne pas perdre ensuite un temps considérable à rechercher les idées que j’ai maintenant. J’écris maintenant d’esquisse en esquisse ; c’est le moyen de ne pas perdre tout à fait le fil, dans une machine si compliquée sous son apparence simple. J’ai lu à B[ouilhet], dimanche, les vingt-sept pages (à peu près finies) qui sont l’ouvrage de deux grands mois. Il n’en a point été mécontent et c’est beaucoup, car je craignais que ce ne fût exécrable. Je n’y comprenais presque plus rien moi-même, et puis la matière était tellement ingrate pour les effets de style ! C’est peut-être s’en être bien tiré que de l’avoir rendue passable. Je vais entrer maintenant dans des choses plus amusantes à faire. Il me faut encore quarante à cinquante pages avant d’être en plein adultère. Alors on s’en donnera, et elle s’en donnera, ma petite femme !

J’ai fait redemander mes notes sur la Grèce ainsi qu’un excellent itinéraire que j’avais prêtés à Chéruel (professeur à l’École normale). Je t’apporterai cela, ça pourra te servir pour l’Acropole. Il y a moyen, sur ce sujet, de faire de beaux vers.

Quel temps ! Quelle pluie ! Et quel vent ! Les feuilles jaunes passent sous mes fenêtres avec furie. Mais, chose étrange, toutes les nuits sont plus calmes. Entre moi et le paysage qui m’entoure, il y a concordance de tempérament. La sérénité, à tous deux, nous revient avec la nuit. Dès que le jour tombe, il me semble que je me réveille. Je suis loin d’être l’homme de la nature,