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CORRESPONDANCE

Tu me demandes ce que je fais, voici : je prépare ma légende[1] et je corrige Saint Antoine. J’ai dans Saint Antoine élagué tout ce qui me semble intempestif, travail qui n’était pas mince puisque la première partie, qui avait 160 pages, n’en a plus maintenant (recopiée) que 74. J’espère être quitte de cette première partie dans une huitaine de jours. Il y a plus à faire dans la deuxième partie où j’ai fini par découvrir un lien, piètre peut-être, mais enfin un lien, un enchaînement possible. Le personnage de Saint Antoine va être renflé de deux ou trois monologues qui amèneront fatalement les tentations. Quant à la troisième, le milieu est à refaire en entier. En somme une vingtaine de pages, ou trentaine de pages peut-être, à écrire. Je biffe les mouvements extra-lyriques. J’efface beaucoup d’inversions et je persécute les tournures, lesquelles vous déroutent de l’idée principale. Enfin j’espère rendre cela lisible et pas trop embêtant.

Nous en causerons très sérieusement ces vacances. Car c’est une chose qui me pèse sur la conscience, et je n’aurai un peu de tranquillité que quand je serai débarrassé de cette obsession.

Je lis des bouquins sur la vie domestique au moyen âge et la vénerie. Je trouve des détails superbes et neufs. Je crois pouvoir faire une couleur amusante. Que dis-tu « d’un pâté de hérissons et d’une froumentée d’écureuils » ? Au reste, ne t’effraye pas, je ne vais pas me noyer dans les notes. Dans un mois j’aurais fini mes lectures, tout en travaillant au Saint Antoine. Si j’étais un gars,

  1. La Légende de Saint Julien l’Hospitalier.