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CORRESPONDANCE

car je peux passer pour avare ! Tu sembles me considérer comme un ladre parce que je n’offre pas, quand on ne me demande pas. Mais quand est-ce que j’ai refusé ? (On ne sait pas, quelquefois, tous les embêtements que j’ai subis pour obliger les autres.) Je n’ai pas ces élans de générosité qu’on aurait de soi-même, dis-tu ? Eh bien, moi, je dis que ce n’est pas vrai, et que j’en suis capable. Mais je m’illusionne étrangement, sans doute. Du Camp n’affirmait-il pas, aussi, que j’avais les cordons de la bourse rouillés ?

Je me résume. Je t’ai dit que je t’obligerai toujours et puis je répète que je n’ai pas le sou. Cela te semble louche, mais je ne nie rien, et je répète encore en m’expliquant : c’est vrai, je n’ai pas un liard (ainsi, pour aller jusqu’au mois de février, j’ai 20 francs). Crois-tu que, si je pouvais, je n’achèterais pas 100 exemplaires du volume de Leconte, etc. ? Mais il faut avant tout payer ses dettes. Or, sur 2 000 francs que j’ai à toucher cette année, j’en dois déjà près de 1 200. Compte en plus les voyages à Paris ! l’année prochaine, pour habiter Paris, j’entamerai largement mon capital. Il le faudra. Je me suis fixé une somme. Une fois cette somme mangée, il me faudra revivre comme maintenant, à moins que je ne gagne quelque chose, supposition qui me paraît absurde.

Mais, mais ! — note bien ce mais — s’il t’en fallait, je t’en trouverais tout de même, dussé-je mettre l’argenterie de la maison au Mont de Piété. Comprends-tu maintenant ?

Quant à la fin de la Bovary, je me suis déjà fixé tant d’époques, et trompé tant de fois, que je renonce non seulement à en parler, mais à y pen-