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Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 4.djvu/22

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CORRESPONDANCE

est impossible à savoir. J’avais à faire un passage psychologico-nerveux des plus déliés, et je me perdais continuellement dans les métaphores, au lieu de préciser les faits. Ce livre, qui n’est qu’en style, a pour danger continuel le style même. La phrase me grise et je perds de vue l’idée. L’univers entier me sifflerait aux oreilles, que je ne serais pas plus abîmé de honte que je ne le suis quelquefois. Qui n’a senti de ces impuissances, où il semble que votre cervelle se dissout comme un paquet de linge pourri ? Et puis le vent resouffle, la voile s’enfle. Ce soir, en une heure, j’ai écrit toute une demi-page. Je l’aurais peut-être achevée, si je n’eusse entendu sonner l’heure et pensé à toi.

Quant à ton journal, je n’ai nullement défendu à Bouilhet d’y collaborer. Mais je crois seulement que lui, inconnu, débutant, ayant sa réputation à ménager, son nom à faire valoir et mousser, il aurait tort de donner maintenant des vers à un petit journal. Cela ne lui rapporterait ni honneur ni profit et je ne vois pas en quoi cela te rendrait service, puisque vous avez le droit de prendre de droite et de gauche ce qui vous plaît. Pour ce qui est de moi, tu comprends que je n’écrirai pas plus dans celui-là que dans un autre. À quoi bon ? et en quoi cela m’avancerait-il ? S’il faut (quand je serai à Paris) t’expédier des articles pour t’obliger, de grand cœur. Mais quant à signer, non. Voilà vingt ans que je garde mon pucelage. Le public l’aura tout entier et d’un seul coup, ou pas. D’ici là, je le soigne. Je suis bien décidé d’ailleurs à n’écrire par la suite dans aucun journal, fût-ce même La Revue des Deux-Mondes, si on me le pro-