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CORRESPONDANCE

ture), que pour les choses de délicatesse et de nervosité. Mais tout ce qui est vraiment élevé et haut leur échappe. La condescendance que nous avons pour elles est une des causes de l’abaissement moral où nous gisons aplatis. Tous, nous sommes pour nos mères, nos sœurs, nos filles, nos femmes et nos maîtresses, d’une inconcevable lâcheté. Jamais le téton n’a causé plus de bassesses ! Et l’Église (Catholique, Apostolique et Romaine) a fait preuve du plus haut sens en décrétant le dogme de l’Immaculée Conception. Il résume la vie sentimentale du XIXe siècle. Ce pauvre siècle à scrofules et à pâmoisons, qui a en horreur les choses fortes, les solides nourritures et qui se complaît sur les genoux féminins, comme un enfant malade.

« Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? » est un mot qui semble plus beau que tous les mots vantés dans les Histoires. C’est le cri de la Pensée pure, la protestation du cerveau contre la matrice. Et il a cela pour lui qu’il a toujours révolté les idiots.

Le culte de la mère sera une des choses qui fera pouffer de rire les générations futures. Ainsi que notre respect pour l’amour. Cela ira dans le même sac aux ordures que la sensibilité et la nature d’il y a cent ans.

Un seul poète, selon moi, a compris ces charmants animaux, à savoir le maître des maîtres, l’omniscient Shakespeare. Les femmes sont pires ou meilleures que les hommes. Il en a fait des êtres extra-exaltés, mais jamais raisonnables. C’est pour cela que ses figures de femme sont à la fois si idéales et si vraies.