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CORRESPONDANCE

dalisé par la couillonnade transcendante qui règne sur les humains. A-t-on peur de se compromettre !!! Cela est tout nouveau, à ce degré du moins. L’envie du succès, le besoin de réussir quand même, à cause du profit, a tellement démoralisé la littérature qu’on devient stupide de timidité. L’idée d’une chute ou d’un blâme les fait tous foirer de peur dans leurs culottes. — « Cela vous est bien commode à dire, vous, parce que vous avez des rentes » — réponse commode et qui relègue la moralité parmi les choses de luxe. Le temps n’est plus où les écrivains se faisaient traîner à la Bastille. On peut la rétablir maintenant, on ne trouvera personne à y mettre.

Tout cela ne sera pas perdu. À mesure que je me plonge plus avant dans l’antique, le besoin de faire du moderne me reprend, et je cuis à part moi un tas de bonshommes.

Ne pense plus à Daniel. C’est fini. On le lira, sois-en sûr.

Quand tu viendras à Croisset, avant de partir pour Luchon (vers le commencement de juillet, je suppose), apporte-moi le plan détaillé de Catherine[1]. J’ai plusieurs idées sur ton style en général et sur ton futur livre en particulier.

Il faudra que ce soit complètement impersonnel ; et plus de thèse cette fois, mon bonhomme, plus de tartines, des barres d’airain, mosieu ! Et ne va pas vite ! ne te presse pas ! mets ton objectif à cent lieues de ta vie et considère-toi comme le Père Éternel.

Tu es un polisson, tu compromets mon nom

  1. Catherine d’Overmeire, 1 vol., 1860.