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DE GUSTAVE FLAUBERT.

611. À MADAME JULES SANDEAU.
Croisset, dimanche 7 [août 1859].

Quelle surprise, chère Madame ! et comme j’ai été attendri de votre souvenir ! Je pense souvent à vous, et vous auriez reçu des volumes si j’avais cédé à mon envie. Je vais donc répondre à toutes vos questions.

Et d’abord, il m’est très « agréable de savoir que vous êtes encore de ce monde ». J’espère vous y voir longtemps, et je compte bien, cet hiver, reprendre nos bonnes causeries, le jeudi, vers quatre heures du soir, quand les bourgeois et les bourgeoises sont partis ! Vous souffrez avec indulgence toutes les sottises qui me passent par la cervelle. On se trouve heureux près de vous. Comment n’y pas revenir ?

La chaleur vous gêne donc ? Vous avez manqué, en écrivant ce mot, d’y adjoindre l’épithète de tropicale. Il le faut ! (Voir tous les journaux, et ouïr les exclamations de personnes rouges agitant des mouchoirs.) Quand on a dit : Ah ! il fait une chaleur… une chaleur… vraiment… tropicale !!! on est soulagé. Les maniérés formulent sénégalienne.

Moi, je me réjouis de cette température. Le soleil m’anime et me grise comme du vin. Je passe mes après-midi dans des négligés peu convenables, fenêtres closes et jalousies fermées. Je me plonge, le soir, dans la Seine qui coule au bas de mon jardin. Les nuits sont exquises et je me