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CORRESPONDANCE

Comment va Daniel ? Fanny s’est lu à Mantes, beaucoup, ce qui est un fier signe. Quand un livre est connu à six lieues de Paris il a déjà fait le tour du monde.

Pour moi la littérature commence à m’être désagréable fortement. Je trouve cela tout bonnement impossible et comme avec l’âge le goût augmente et que l’imagination décroît, c’est atroce. À mesure qu’on perd de ses plumes on veut voler plus haut.

Adieu, tâche d’être plus gai que moi.


619. À MADAME JULES SANDEAU.
[Croisset] Samedi 30 septembre [1er octobre 1859].

Je suis tout étourdi et ébloui par les deux nouveaux volumes d’Hugo, d’où je sors à l’instant. J’ai des soleils qui me tournent devant les yeux et des rugissements dans les oreilles. Quel homme ! — Mais parlons de vous.

Comme c’est aimable de m’avoir écrit ! De vous être souvenue de moi ! Cette ingrate de fièvre est-elle passée ? L’eau est un peu froide pour la mener aux bains. Voici l’hiver qui vient, et tantôt, la Seine déferlait au pied de mon mur avec des airs d’océan. Il paraît que c’est l’équinoxe et que les marées doivent être ainsi ? Pourquoi doit-on crier contre l’hiver ? Quant à moi, je vois revenir avec plaisir la saison des grands feux et des longues heures sous la lampe. C’est d’ailleurs le temps où je sors de mon antre — où je retourne à Paris — où je pourrai vous revoir. Comme j’espère bavarder chez vous dans deux mois.