Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 4.djvu/365

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
559
DE GUSTAVE FLAUBERT.

630. À MAURICE SCHLÉSINGER.
Décembre [1859, Vers le 20].

Voici venir le jour de l’an, mon cher Maurice ! Quels souhaits faut-il vous faire ? Acceptez-les tous, et pour les vôtres.

Il m’ennuie de n’entendre parler d’aucun de vous. Ne reverrai-je plus personne ? Dites-moi ce que vous devenez, femme, fils, fille et petite-fille.

Dans deux jours, je m’en retourne au boulevard du Temple. Je vais trouver Paris probablement aussi bête que je l’ai laissé, ou encore plus. La platitude gagne avec l’élargissement des rues ; le crétinisme monte à la hauteur des embellissements. Vous n’avez pas l’idée du point ou nous en sommes. L’hypocrisie vertueuse surtout n’a pas de limites, on est d’une honnêteté qui ne se trouve que chez les filous.

Ce ne sera pas encore pour cette année que j’aurai fini mon bouquin sur Carthage. J’écris fort lentement, parce qu’un livre est pour moi une manière spéciale de vivre. À propos d’un mot ou d’une idée, je fais des recherches, je me livre à des divagations, j’entre dans des rêveries infinies ; et puis, notre âge est si lamentable, que je me plonge avec délices dans l’antiquité. Cela me décrasse des temps modernes. Mais dès que j’aurai fini, au commencement de 1861, j’espère, j’irai vous porter la chose : 1o  parce que j’ai envie de vous voir et 2o  parce qu’un peu d’air me fera du bien.