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DE GUSTAVE FLAUBERT.

nullement reniée chez Mme …, et voici le dialogue tel qu’il s’est passé :

— On m’a dit que vous veniez souvent à Paris.

— Non, pas du tout, pourquoi ?

— On m’a même assuré que vous aviez une passion.

— Moi, madame, j’en suis bien incapable, et pour qui ?

— Pour Mme Colet. On m’a dit que vous étiez du dernier mieux ensemble.

— Ah ! ah ! ah ! c’est vrai. Je l’aime beaucoup, je la vois très souvent, mais je vous prie de croire que le reste est une calomnie.

Et j’ai continué en blaguant sur moi et m’accusant d’être physiquement incapable d’aimer, ce qui excitait beaucoup l’hilarité de Monsieur et de Madame. Sois sûre que j’ai tenu le milieu entre la reculade et l’impudence. Ils en auront cru ce qu’ils auront voulu, ce qui m’importe peu, pourvu qu’on ne m’embête [pas] en face ; voilà tout ce que je demande dans ces matières-là.

Je crois même qu’ils sont plus certains de la chose maintenant ; mais ce sont des questions auxquelles on ne répond jamais « oui », à moins que d’être un goujat ou un fat, car c’est (toujours dans les idées du monde) déshonorer la femme, ou s’en targuer. Non, mille dieux, non, je ne t’ai pas reniée. Si tu connaissais le fond de l’orgueil d’un homme comme moi, tu n’aurais pas eu ce soupçon. Je ne fais au monde que des concessions de silence, mais aucune de discours. Je baisse bien la tête devant ses sottises, mais je ne leur retire pas mon chapeau.

Merci de tes offres pour M. et Mme Marc. Tes