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Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 4.djvu/462

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CORRESPONDANCE

sent tous les mois, deux à deux, à partir de février, ce sera une affaire de quatre mois, ce qui me rejette en juin, époque détestable. Voilà !

Je comptais cet été sur un peu d’argent pour prendre l’air. C’est de ce côté-là seulement que la chose me blesse. Car je n’ai nullement la maladie typographique. Dès que j’ai fini un livre, il me devient complètement étranger, étant sorti de la sphère d’idées qui me l’a fait entreprendre. Donc, quand Salammbô sera recopiée — et recorrigée, je la fourrerai dans un bas d’armoire et n’y penserai plus, fort heureux de me livrer immédiatement à d’autres exercices. Advienne que pourra ! Le succès n’est pas mon affaire. C’est celle du hasard et du vent qui souffle.

Je ne tiens compte que des intentions. C’est pour cela que je m’estime, les miennes étant hautes et nobles. Et voilà pourquoi j’ai défendu le doux Vacquerie. S’il n’a pas plus de talent, est-ce sa faute ? Je garde toute ma haine et tout mon dédain pour les gens qui font des choses convenables et réussies, — et j’aime mieux un bossu, un nain et même un crétin du Valais qu’un Môsieu quelconque. Il n’est pas donné à tout le monde d’être ridicule. Êtes-vous bien sûre que dans vingt-cinq ans la Camaraderie[1], ou la Calomnie[2], sera plus admirée que les Funérailles de l’honneur[3] ? Parlons d’autre chose ; le sujet n’est pas gai.

  1. La Camaraderie, ou la Courte échelle, comédie en 5 actes et en prose, par Scribe (Théâtre-Français, 29 janvier 1837).
  2. La Calomnie, comédie en 5 actes et en prose, du même (Théâtre-Français, 20 février 1840).
  3. Les Funérailles de l’honneur, drame en 7 actes, en prose, par Auguste Vacquerie (Porte-Saint-Martin, 30 mars 1861).