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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Dieu que le mot impie de Buffon fût vrai ! car je crois que personne n’a de patience comme moi.

Jusqu’à présent j’avais à peindre des états tristes, des pensées amères. J’en suis maintenant à un passage joyeux ; j’échoue. Les cordes lamentables me sont faciles, mais je ne peux pas m’imaginer le bonheur et je reste là devant, froid comme un marbre et bête comme une bûche. Il en est, du reste, toujours ainsi. Les prétendus beaux endroits (en plan) sont ceux qu’on rate. Méfions-nous des solennités ! Quoique j’aie dans ce moment une profonde conviction de ma faiblesse, je n’en pleure pas ; mais j’en grince des dents. Si je n’avais l’envie, assez sotte, d’avoir fini, je prendrais mon mal plus en patience ; mais c’est tout le temps perdu qui me désole. Je vais employer ces trois jours-ci à me calmer afin d’apparaître aimable, et je le serai. Puis je vais faire un peu de plan pour travailler de suite à mon retour.

Ce que tu me dis de Delisle me fait pitié ! Cela me paraît très médiocre d’avoir, à son âge, des passions, et, embêtement pour embêtement, j’aime encore mieux m’arracher mon peu de cheveux en pensant à des phrases qu’à des regards.

La Sylphide a bien tort de me redouter. Pourquoi ? Est-ce bête ? Crois-tu donc que je vais lui faire des allusions, comme un goujat ?

À bientôt donc, bonne chère Louise, j’arriverai pour dîner, à 6 h ½ au plus tard.

Mille baisers. À toi.

Ton G.