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CORRESPONDANCE

471. À LOUIS BOUILHET.
Croisset, 18 août [1854].

J’attends dimanche matin l’annonce de ton arrivée, c’est-à-dire, ô vieux, que tu vas m’écrire le jour et l’heure de ton apparition en ces lieux.

N’oublie pas, avant de t’en aller de Paris, la préface de Sainte-Beuve. Quoi qu’en dise Jaccottet (s’il en dit quelque chose), tu n’es pas en position encore de faire le magnanime ; et pourquoi ne pas embêter les gens qui nous embêtent ? Il faut que son petit jugement inepte le poursuive dans la postérité, môssieu ! Et remettre la chose à une seconde édition, ce serait paraître avoir attendu le succès, avoir douté de soi.

Je viens de passer une bonne semaine seul comme un ermite et tranquille comme un dieu. Je me suis livré à une littérature frénétique ; je me levais à midi, je me couchais à quatre heures du matin. Je dînais avec Dakno. Je fumais quinze pipes par jour, j’ai écrit huit pages.

Ai-je gueulé ! J’ai relu tout haut Melaenis entièrement, à propos de la scène du jardin dans laquelle je ne suis pas bien sûr encore de n’être point tombé. Il va sans dire que ce régime a fait le plus grand bien à ma langue, ce qui achève de me donner pour la médecine une mince considération, car je me suis guarry en dépit des règles et recommandations.

Lis-tu nos feuilles publiques (départementales) ? Le navire qui portait ma famille, il y a aujourd’hui huit jours, a manqué faire naufrage à Quillebeuf. Ma mère (qui revient de Trouville)