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DE GUSTAVE FLAUBERT.

les pieds et en deux ans tu ne trouves pas le moyen de t’y faire, je ne dis pas un ami, mais une simple connaissance. Tu as refusé de fréquenter un tas de gens, Janin, Dumas, Guttinger, etc., chez lesquels tu aurais pu nouer des camaraderies ; et quant à ceux que tu fréquentes il vaudrait peut-être mieux ne pas les voir. Exemple : Gautier. Crois-tu qu’il ne sente pas à tes façons que tu le chéris fort peu ? Et (ceci est une supposition, mais je n’en doute point), qu’il ne te garde pas rancune de n’avoir pas pris un billet au concert d’Ernesta ? Tu lui as fait pour cent sous une cochonnerie de 25 francs. Je me suis permis souvent de t’avertir de tout cela. Mais je ne peux pas être un éternel pédagogue et t’embêter du matin au soir par mes conseils ; tu me prendrais en haine et tu ferais bien. Le pédantisme dans les petites choses est intolérable. Mais toi, tu ne vois pas assez l’importance des petites choses dans le pays des petites gens. À Paris, le char d’Apollon est un fiacre. La célébrité s’y obtient à force de courses.

En voilà assez sur ce chapitre. Le quart d’heure n’est pas très opportun pour te sermonner.

Maintenant sur la question de vivre, je te promets que Mme S*** [Stroelin] pourra très bien demander pour toi à l’Empereur en personne la place que tu voudras. Guignes-en une d’ici à trois semaines, cherche. Fais venir en tapinois les états de service de ton père. Nous verrons. On pourrait demander une pension, mais il te faudrait payer cela en monnaie de ton métier, c’est-à-dire en cantates, épithalames, etc. Non, non.

En tout cas, ne retourne jamais en province.

Voilà ce que j’avais à te dire. Médite-le. Tâche