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CORRESPONDANCE

Tourgueneff, qui vient de publier un nouveau roman que je t’engage à lire : Fumée.

Je me suis livré cette semaine à des recherches dans les vieux Tintamarres, ce qui fait que mon répertoire de calembours s’est accru : je pourrai briller à la noce d’Émilie[1].

Adieu, ma chère Caro, je t’embrasse tendrement.


964. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Nuit de samedi [mars 1868].

Comme votre dernière lettre est triste, Princesse ! Elle m’a profondément peiné. Car vous n’êtes pas née pour souffrir. La variété naturelle de votre esprit, qui est d’une constitution ferme et robuste, n’a rien de commun avec nos brumes normandes. Vous êtes pleine de force et de soleil ! Restez vous-même, pour vous d’abord, et ensuite pour ceux qui vous aiment, et qui ne veulent vous savoir du chagrin.

On a ses mauvais jours, je le sais ! Mais avec de la volonté, ils deviennent de plus en plus rares. Croyez en là-dessus un grand maître en fait de mélancolie ! J’ai passé par de vrais spasmes d’ennuis. C’était dans ma jeunesse. Car ces bouillonnements lugubres ne sont rien autre chose que les excès de la sève, le trop plein qui ne peut (ou ne veut) sortir. Quant aux déceptions que le monde peut vous faire éprouver, je trouve que c’est lui faire trop d’honneur, il ne mérite pas cette impor-

  1. Une cousine de la famille Flaubert.