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Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 5.djvu/407

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DE GUSTAVE FLAUBERT.

989. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Mercredi soir [août 1868].
Princesse,

L’attitude de la garde nationale au 15 août ne m’a, moi, nullement surpris. Je vous assure que les gens du monde officiel connaissent très mal ce qui se passe !

Ce seul épisode peut vous montrer l’idée fausse qu’ils se font de l’esprit public. À quoi servent tant d’informations !  ?

Je ne me permets jamais de parler politique, parce que c’est trop commun, trop bête, ou trop impertinent, mais j’ai ma petite opinion comme tout le monde, et je soupire dans mon coin, en me disant comme disent les portiers : « Ah ! si j’étais le gouvernement !… »

Si j’étais le gouvernement, je me moquerais de beaucoup de choses dont il se préoccupe, et je m’occuperais d’un plus grand nombre qu’il néglige.

Ainsi les petites histoires Rochefort et Cavaignac ont naturellement chauffé l’enthousiasme de la garde nationale. Il y a eu réaction pour l’Empereur[1]. Des indifférents se sont sentis indignés. Voilà ce que je crois et je crois aussi que, si la Lanterne avait continué à paraître, dans un mois au plus tard la foule aurait d’elle-même assommé l’auteur.

  1. Les grands journaux de l'époque constatent cependant qu'en défilant devant la tribune officielle, à la revue du 15 août, la garde nationale avait acclamé froidement l'Empereur.