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CORRESPONDANCE

Je vous demande pardon de vous parler aussi librement, Princesse. Mais je ne fais que répondre à la première page de votre lettre.

Vos hôtes de Saint-Gratien se succèdent. J’envie ceux qui y sont maintenant, et je garde des autres un souvenir exquis. Tout le monde a été si bon pour moi ! Par esprit d’imitation sans doute ? Non ! d’eux-mêmes, spontanément, car vous savez choisir votre monde.

Ce que vous me dites de Violet Le Duc ne me surprend pas. Je le connais peu, mais je le crois une nature distinguée.

Vous ai-je dit que j’avais vu au Puy (près Dieppe) Alex. Dumas ? Il est là avec toute sa famille et Mlle Delaporte, l’actrice du gymnase. Il a pour voisin un jeune homme qui vient quelquefois chez Votre Altesse, M. d’Ormoy, lequel est tourmenté grandement par son épouse, à ce que conte Dumas.

J’ai eu, pendant deux jours, la visite d’un ami, que je n’avais pas vu depuis longtemps, le comte d’Osmon, et j’attends toujours celle de Tourgueneff. Que ne suis-je au moment où j’irai vous en refaire une ! au moment où je vous reverrai, Princesse ! Si au moins je pouvais vous oublier un peu en travaillant beaucoup ! Mais cela est impossible. Donc quand vous n’aurez rien de mieux à faire, envoyez-moi de ces petites lettres que j’ai tant de plaisir à recevoir et un peu de peine à lire.

Je baise les deux mains que vous me tendez et suis, vous n’en doutez pas,

entièrement le vôtre.
G. Flaubert.