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Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 5.djvu/41

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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Philippistes et jusqu’aux aubergistes, tous sont platement adulés. Et des types tout d’une pièce, comme dans les tragédies ! Où y a-t-il des prostituées comme Fantine, des forçats comme Valjean, et des hommes politiques comme les stupides cocos de l’A, B, C ? Pas une fois on ne les voit souffrir dans le fond de leur âme. Ce sont des mannequins, des bonshommes en sucre, à commencer par Monseigneur Bienvenu. Par rage socialiste, Hugo a calomnié l’église comme il a calomnié la misère. Où est l’évêque qui demande la bénédiction d’un conventionnel ? Où est la fabrique où l’on met à la porte une fille pour avoir eu un enfant ? Et les digressions ! Y en a-t-il ! Y en a-t-il ! Le passage des engrais a dû ravir Pelletan. Ce livre est fait pour la crapule catholico-socialiste, pour toute la vermine philosophico-évangélique. Quel joli caractère que celui de M. Marius vivant trois jours sur une côtelette et que celui de M. Enjolras qui n’a donné que deux baisers dans sa vie, pauvre garçon ! Quant à leurs discours, ils parlent très bien, mais tous de même. Le rabâchage du père Gillenormant, le délire final de Valjean, l’humour de Cholomiès et de Gantaise, tout cela est dans le même moule. Toujours des pointes, des farces, le parti pris de la gaieté et jamais rien de comique. Des explications énormes données sur des choses en dehors du sujet et rien sur les choses qui sont indispensables au sujet. Mais en revanche des sermons, pour dire que le suffrage universel est une bien jolie chose, qu’il faut de l’instruction aux masses ; cela est répété à satiété. Décidément ce livre, malgré de beaux morceaux, et ils sont rares, est enfantin.