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CORRESPONDANCE

un homme. Salammbô, avant de quitter sa maison, s’enlace au génie de sa famille, à la religion même de sa patrie en son symbole le plus antique. Voilà tout. Que cela soit messéant dans une Iliade ou une Pharsale, c’est possible ; mais je n’ai pas eu la prétention de faire l’Iliade ni la Pharsale.

Ce n’est pas ma faute non plus si les orages sont fréquents dans la Tunisie à la fin de l’été. Chateaubriand n’a pas plus inventé les orages que les couchers de soleil, et les uns et les autres, il me semble, appartiennent à tout le monde. Notez d’ailleurs que l’âme de cette histoire est Moloch, le Feu, la Foudre. Ici le Dieu lui-même, sous une de ses formes, agit : il dompte Salammbô. Le tonnerre était donc bien à sa place : c’est la voix de Moloch resté en dehors. Vous avouerez de plus que je vous ai épargné la description classique de l’orage. Et puis mon pauvre orage ne tient pas en tout trois lignes, et à des endroits différents ! L’incendie qui suit m’a été inspiré par un épisode de l’histoire de Massinissa, par un autre de l’histoire d’Agathocle et par un passage d’Hirtius — tous les trois dans des circonstances analogues. Je ne sors pas du milieu, du pays même de mon action, comme vous voyez.

À propos des parfums de Salammbô, vous m’attribuez plus d’imagination que je n’en ai. Sentez donc, humez dans la Bible Judith et Esther ! On les pénétrait, on les empoisonnait de parfums, littéralement. C’est ce que j’ai eu soin de dire au commencement, dès qu’il a été question de la maladie de Salammbô.

Pourquoi ne voulez-vous pas non plus que la disparition du Zaïmph ait été pour quelque chose dans