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DE GUSTAVE FLAUBERT.

703. À EDMOND ET JULES DE GONCOURT.
[Croisset] jeudi soir [2 janvier 1862].

Vous êtes bien gentils de songer à moi, mais ce n’est que justice, car votre idée vingt fois par jour me traverse la cervelle ou le cœur, comme vous voudrez, et probablement l’une et l’autre.

Que faut-il vous souhaiter pour 1862, mes bichons ? Imaginez quelque chose d’exquis et d’extravagamment beau ; et soyez sûrs que je le désire pour vous. Voilà !

Je suis à la moitié, à peu près, de mon dernier chapitre. Je me livre à des farces qui soulèveront de dégoût le cœur des honnêtes gens. J’accumule horreurs sur horreurs. Vingt mille de mes bonshommes viennent de crever de faim et de s’entre-manger ; le reste finira sous la patte des éléphants et dans la gueule des lions. « Bestialité et meurtrier, je ne sors pas de là » (Histoire de Jérôme, tome II).

N’importe ! je crois que j’écris présentement d’une manière canaille : phrases courtes et genre dramatique, ce n’est guère beau.

Et vous ???? Comme il me tarde de vous voir ! Je compte être de retour à Paris au milieu de février, peut-être avant ? Je suis éreinté et j’ai des rhumatismes.

Adieu. Bonne humeur et bon travail. Je vous embrasse tous les deux tendrement.