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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Je ne vois plus autre chose à te dire, pauvre chérie. Il a fait, ces jours-ci, une chaleur à crever. L’Horloger, qui est venu hier, trouve que c’est très fâcheux pour les biens de la terre ; mais aujourd’hui le fond de l’air est froid. Quelle belle nuit ! La lune brille sur la rivière et, par ma fenêtre ouverte, j’entends le cri d’un grillon.

Croirais-tu qu’une sotte inquiétude, hier, m’a traversé l’esprit à propos de vous deux. Le Journal de Rouen disait, dans un entrefilet, qu’un petit bateau allant de Bordeaux à la Bastide avait sombré mardi dernier, et que huit personnes étaient noyées, sans plus de détails. Ta grand’mère, heureusement, ne s’est pas arrêtée longtemps à cette idée. Écris-nous souvent. Amitiés à Ernest.

Je t’embrasse bien fort.

Ton vieux bonhomme d’oncle qui t’aime.


1107. À GEORGE SAND.
Samedi soir, 2 juillet 1870.
Chère bon Maître,

La mort de Barbès m’a bien affligé à cause de vous. L’un et l’autre nous avons nos deuils. Quel défilé de morts depuis un an ! J’en suis abruti comme si on m’avait donné des coups de bâton sur la tête. Ce qui me désole (car nous rapportons tout à nous), c’est l’effroyable solitude où je vis. Je n’ai plus personne, je dis personne, avec qui causer.

Qui s’occupe aujourd’hui de faconde et de style ?