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DE GUSTAVE FLAUBERT.

1195. À GEORGE SAND.
[Paris] 25 juillet 1871.

Je trouve Paris un peu moins affolé qu’au mois de juin, à la surface du moins. On commence à haïr la Prusse d’une façon naturelle, c’est-à-dire qu’on rentre dans la tradition française. On ne fait plus de phrases à la louange de ses civilisations. Quant à la Commune, on s’attend à la voir renaître plus tard, et les « gens d’ordre » ne font absolument rien pour en empêcher le retour. À des maux nouveaux on applique de vieux remèdes, qui n’ont jamais guéri (ou prévenu) le moindre mal. Le rétablissement du cautionnement me paraît gigantesque d’ineptie. Un de mes amis a fait là-contre un bon discours ; c’est le filleul de votre ami Michel de Bourges, Bardoux, maire de Clermont-Ferrand.

Je crois, comme vous, que la République bourgeoise peut s’établir. Son manque d’élévation est peut-être une garantie de solidité. C’est la première fois que nous vivons sous un gouvernement qui n’a pas de principe. L’ère du positivisme en politique va commencer.

L’immense dégoût que me donnent mes contemporains me rejette sur le passé, et je travaille mon bon Saint Antoine de toutes mes forces. Je suis venu à Paris uniquement pour lui, car il m’est impossible de me procurer à Rouen les livres dont j’ai besoin actuellement ; je suis perdu dans les religions de la Perse. Je tâche de me faire une idée nette du Dieu Hom, ce qui n’est pas facile.